vendredi 18 octobre 2013

Quand les patrons arrosent les syndicats ...

L'ex-dirigeant de la fédération patronale de la métallurgie (UIMM) s'était jusqu'à présent refusé à dire à qui étaient versées les sommes en liquide puisées dans les caisses de son organisme.

L’ancien patron de l’UIMM, Denis Gautier-Sauvagnac, a confirmé lundi au tribunal correctionnel de Paris que les syndicats étaient bien les bénéficiaires des enveloppes d’argent liquide de la puissante fédération patronale de la métallurgie.

La justice s’interroge sur la destination de quelque 16 millions d’euros retirés en liquide entre 2000 et 2007 des caisses de l’Entraide professionnelle des industries et des métaux (Epim), une structure de l’UIMM destinée à apporter «un appui moral et matériel» à ses adhérents subissant un conflit du travail.

Interrogé une nouvelle fois lundi en début d’audience sur les destinataires de ces fonds, Denis Gautier-Sauvagnac est revenu sur ses précédentes déclarations en désignant les bénéficiaires au tribunal. «En réalité, je reconnais que je n’ai pas été assez clair jusqu’à présent et je confirme ici les propos d’Arnaud Leenhardt», a-t-il déclaré.

Arnaud Leenhardt, un de ses prédécesseurs à la tête de la puissante Union des industries et métiers de la métallurgie (1985-1999), avait affirmé mercredi que les bénéficiaires des enveloppes d’argent liquide étaient «les cinq syndicats représentatifs». «Ce sont bien les syndicats, comme il l’a dit», a acquiescé Denis Gautier-Sauvagnac, qui s’était jusqu’alors toujours refusé à se prononcer sur ce sujet.

Il a précisé que ces aides se présentaient sous deux formes. La première, sous forme de chèques, «concernait des achats d’espaces publicitaires à prix d’or ou des location de stands, également à prix d’or, ou encore par l’achat de journaux syndicaux», a raconté l’ancien patron en précisant qu’il s’agissait en réalité «d’une façon d’habiller les contribution» de sa fédération. «Mais cela n’était pas suffisant, c’était un prétexte qui avait ses limites», a-t-il poursuivi en précisant que le reste des aides étaient données «en liquide» de façon «plus discrète».
Stands à la fête de L’Huma

«C’était en quelque sorte une forme d’abonnement. Mon prédécesseur m’avait indiqué les montants qu’il fallait verser et je m’y suis tenu», a-t-il dit. Les bénéficiaires étaient aussi «les syndicats étudiants», a affirmé Dominique de Calan, ex-délégué général de l’UIMM, qui s’est montré en revanche plus circonspect vis à vis des journalistes, intellectuels et parlementaires qu’il avait mis en cause lors de l’enquête. «Je parlais autant des règlements par chèques que du liquide», a-t-il rectifié citant l’exemple de certains «ménages» réalisés par des journalistes connus pour animer des manifestations de l’UIMM.

Alors pourquoi cette discrétion?, a interrogé la présidente Agnès Quantin. «Dire que l’UIMM finançait des stands à la fête de l’Huma n’était pas pensable», a-t-il répondu. «Si cela s’était su, je pense que certains auraient perdu leur emploi, leur mandat (...) et je ne vois pas comment les syndicats étudiants qui passaient leur temps à nous crier dessus pourraient reconnaître avoir été aidés», a-t-il ajouté. «Dans un climat général de lutte des classes, les syndicats auraient été mis au ban de la société» s’il avait été dit qu’ils recevaient de l’argent du patronat, a-t-il insisté.

La chef comptable de l’UIMM Dominique Renaud, qui allait régulièrement retirer «de 30 000 à 200 000 euros» (environ 2 millions par an) en liquide dans «un sac à main» dans les quatre comptes Epim de l’UIMM à la demande de Denis Gautier-Sauvagnac, a raconté à l’audience ne pas s’être posée de question. «Dès mon arrivée à l’UIMM en 1976, j’ai tout de suite eu le sentiment qu’il ne fallait pas poser de question, sous peine de paraître indiscrète», a-t-elle expliqué.

Interrogée sur la destruction de pièces comptables, elle a répondu qu’on lui avait dit que «s’il y avait un problème, il fallait détruire les reçus». Muette devant les enquêteurs, elle a justifié qu’après «trente ans de silence», il lui avait été difficile de parler à «des gens qu’elle ne connaissait pas». «Mais c’était tout de même des policiers», lui a fait remarquer la présidente.

(photo. L'ancien président de l'UIMM Denis Gautier Sauvagnac au tribunal correctionnel de Paris, le 7 octobre 2013 (Photo Eric Feferberg. AFP)

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