jeudi 5 septembre 2013

La défaite d'Obama


L'Afrique Réelle n°45 - Septembre 2013
Sommaire :

Dossier : Algérie
- Le vaisseau fantôme
- Une société en crise, un Etat riche
- La succession du président Bouteflika
- Les islamistes en embuscade ?
- L’armée n’est plus le seul pouvoir
- Le mythe fondateur du pouvoir algérien
- A travers la presse algérienne : Tlemcen, nouvelle capitale de l’Algérie ?

Rwanda :
Et si le général Roméo Dallaire avait eu pour mission cachée de faire triompher Paul Kagamé ?

Editorial de Bernard Lugan :

Egypte : la défaite d’Obama, d’Erdogan et du Qatar

Le temps des recompositions et du retour aux grandes constantes historico-géopolitiques est venu en Egypte et dans tout le Moyen-Orient pour au moins trois grandes raisons :

1) La crise économique, sociale et politique qui a suivi l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Tunisie et en Egypte a permis de mettre en évidence la véritable nature de cette internationale sunnite. Avançant masquée et pratiquant constamment le double langage, elle utilisa habilement le suffrage universel pour arriver au pouvoir et tenter d’imposer une dictature théocratique à des pays sans traditions démocratiques. Mais, trop sûre d’elle-même, arrogante et dominatrice, elle fut rejetée par les masses quand ces dernières comprirent qu’elles avaient été abusées.

2) Le monde sunnite sort de cette « expérience » encore plus meurtri et plus divisé que jamais. Il va donc rapidement lui falloir choisir entre la marginalisation et l’invention de nouveaux systèmes politiques non démocratiques au sens occidental du terme. Parlons clair : il lui faut donc de nouveaux Nasser et de nouveaux Saddam Hussein. Au Maghreb, la situation est différente, notamment en raison de la réalité ethno-politique berbère.

3) L’échec égyptien venant après le désastre irakien et la déconvenue syrienne, l’effacement des Etats-Unis est désormais une évidence. L’axe Washington - Ankara - Jérusalem - Doha - Ryad - Le Caire n’existant plus, l’Arabie saoudite et les émirats naviguent désormais à vue, tétanisés à la fois par la puissance iranienne et par l’inéluctable révolution interne qui, tôt ou tard les balayera.

Au mois d’août 2013, les deux principaux perdants de cette recomposition régionale étaient le Qatar et la Turquie.
En dépit du silence qu’il achète avec ses dollars, le Qatar ne pouvait plus cacher qu’il est, avec l’Arabie saoudite, le principal soutien de toutes les tentatives de terrorisme islamiste, de la Libye à la Syrie, en passant par la Bosnie et par l’Egypte. Quant à la Turquie d’Erdogan, elle paraissait affaiblie par son échec en Syrie, ses maladresses en Egypte et la crise économique qui se profilait.
L’échec d’Obama était alors criant et cela, au moment où la victoire de Poutine paraissait au contraire éclatante. Le premier avait une stratégie de court terme faite de coups rapides, comme au basket, quand le second, solidement appuyé sur l’alliance chiite déplaçait avec méthode ses pions sur l’échiquier régional. Résultat, au moment où la chaîne sunnite se disloquait, emportant les rêves hégémoniques américains, le bloc chiite affirmait au contraire sa solidité.

Les Etats-Unis devaient donc réagir ; la Syrie leur en donna le prétexte. La Turquie se rallia naturellement au projet militaire américain cependant qu’en bons valets, les Européens, en premier lieu les Britanniques et les Français, se faisaient une fois de plus les porte-cotons de leur suzerain d’outre-Atlantique. Dans la plus totale ignorance des constantes géopolitiques régionales.


(Bernard Lugan)

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