lundi 5 mars 2012

NRH n° 59



Parlant de l’ancien président Giscard d’Estaing, Raymond Aron eut ce mot cruel et juste : « Il ne sait pas que l’histoire est tragique ». Nous qui le savons, nous avons retenu le thème des crimes d’État associés parfois à des scandales politiques. Il y a toujours eu des crimes d’État et pas seulement à l’époque mérovingienne. Ce sont des moments de paroxysme qui révèlent l’ampleur d’une crise politique et historique, cristallisée par une lutte mortelle que seule la mort peut trancher. Sous prétexte que l’Europe occidentale vit actuellement hors de l’histoire, il ne faut pas imaginer qu’il en sera toujours ainsi. Cette parenthèse historique se refermera. Autour de nous, dans le reste du monde, les drames mortels ne manquent pas, au Proche-Orient, par exemple, dans le sillage d’un illusoire « printemps arabe ». Retenons que, le 30 septembre 2011, le président américain Barack Obama a officiellement autorisé des assassinats ciblés visant des adversaires supposés des États-Unis. Cette décision (révélée par le New-York Times du 8 octobre 2011 et reprise par Le Monde du 14 octobre 2011) s’inscrit en principe dans la logique de « la guerre globale contre le terrorisme » justifiée par l’attentat du World Trade Center à New-York, le 11 septembre 2001. Cependant, le « terrorisme » n’est pas un adversaire défini, mais une méthode de lutte ou de guerre. Les États-Unis et leurs satellites en ont fait une entité abstraite justifiant par avance l’usage d’homicides. La raison d’État légitime par définition les crimes d’État.
Nous avons retenu plusieurs grands exemples très différents de crimes pouvant entrer dans cette catégorie. Et pour commencer, nous avons demandé au professeur Yann Le Bohec, spécialiste de l’histoire romaine, d’éclaircir les causes de l’assassinat de César par une coalition aristocratique aux ides de mars de l’an 44 av. J.-C. (p. 38). Puis, c’est un double meurtre autour de Jean sans Peur qui permet à Bernard Fontaine d’expliquer la future guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (p. 41). Au cœur des guerres de Religion, le grand moderniste qu’est Jean-Marie Constant dévoile les implications peu connues de l’assassinat du duc de Guise en 1588 (p. 44). C’est une autre page historique qu’évoque en connaisseur Jean-Christian Petitfils avec l’assassinat de Concini couvert par le jeune Louis XIII en 1617 (p. 47). Personne ne contestera le caractère de crime d’État que fut l’exécution du duc d’Enghien décidée par Bonaparte en 1804 et que restitue Jean-Joël Brégeon (p. 50). Et c’est bien la raison d’État qu’invoque le général de Gaulle pour justifier l’exécution de Pierre Pucheu à Alger en mars 1944, ainsi que le montre Dominique Venner (p. 52). C’est cependant sur une énigme que se referme notre dossier avec le récit que Charles Vaugeois fait de l’assassinat du président Kennedy à Dallas, le 22 novembre 1963 (p. 58). Dans cette dernière affaire, de multiples scandales sont au rendez-vous d’un crime. Mais fut-ce un crime d’État ?
La Nouvelle Revue d’Histoire

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