mercredi 12 septembre 2012

Eloge de Richard Millet

Le déchaînement mimétique contre Richard Millet fait de lui la vedette de la rentrée littéraire 2012, éclipsant une production romanesque souvent insipide. Cela faisait longtemps que les chacals n’avaient pas eu l’occasion d’élever un monument à leur vertu en dénonçant une victime.

À la différence sans doute des lyncheurs, j’ai lu les trois brefs ouvrages publiés simultanément par Richard Millet aux Éditions Pierre Guillaume de Roux. Un court roman, Intérieur avec deux femmes, où l’on retrouve le talent de l’auteur et sa façon très sensuelle et intériorisée de restituer les visages, les corps et les sentiments des femmes. Deux brefs essais accompagnent ce roman, De l’antiracisme comme terreur littéraire, une terreur dont Richard Millet peut parler en connaissance de cause. Enfin, Langue fantôme suivi de Éloge littéraire d’Anders Breivik. Personne ne s’est attardé sur la première partie (une déploration des maux de la langue française). Tout le monde s’est jeté sur les dix-huit pages du curieux Éloge littéraire d’un serial killer.

Personnellement, j’éprouve surtout de la perplexité devant le tueur d’Oslo. Anders Breivik est ce citoyen norvégien qui, le 22 juillet 2011, est passé à l’action armée en solitaire. Il a d’abord fait exploser une bombe au siège du gouvernement (8 morts), puis s’est livré au mitraillage d’un camp de vacances de jeunes travaillistes dans l’île d’Utoya (69 morts). Après s’être laissé arrêter, il a expliqué que son acte était destiné à protester contre l’islamisation de l’Europe. Curieuse protestation que de s’en prendre ainsi à de jeunes compatriotes innocents et sans défense. Un acte qui relève plus de la psychiatrie que de la politique. Mais ce n’est pas cette évidence qui a retenu Richard Millet. Sans approuver, on s’en doute le forfait de juillet 2011, il place celui-ci dans un registre provocateur inattendu : « C’est sur ces actes que je me pencherai, frappé par leur perfection formelle, donc, d’une certaine façon, et si tant est qu’on puisse les détacher de leur contexte politique, voire criminel, par leur dimension littéraire, la perfection, comme le Mal, ayant toujours peu ou prou à voir avec la littérature » (p. 103). Il me semble qu’en réalité, Richard Millet a vu dans cet acte de folie le symptôme d’une société en proie à une démence d’autodestruction. Mais aucun romancier n’avait eu la force intérieure et le talent de décrire avec ses mots l’ampleur du suicide européen dont l’immigration est le signe (1). Il a fallu qu’un dément agisse pour qu’un écrivain s’en saisisse. Voilà, selon moi, ce qu’a fait Richard Millet. Et, bien entendu, cet acte de courage intellectuel a aussitôt été perçu pour ce qu’il était : la dénonciation d’une société condamnée et de ceux qui en sont les complices à la façon de vers sur un cadavre en putréfaction.

Dominique Venner

Notes

1-Hormis Jean Raspail.
2-Richard Millet, Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire d’Anders Breivik, Éditions Pierre-Guillaume de Roux.

source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire