lundi 15 octobre 2012
Féministes ou fumistes ?
Il faut dire qu’en ce morne début d’août, la tribune libre du Monde avait fière allure. Intitulée « Harcèlement : la rue ne doit plus être un espace où les femmes sont exposées au sexisme et aux violences », elle était signée par Magali, Anne-Cécile et Hélène, « membres d’Osez le féminisme! ».
C’est le point d’exclamation d’Osez le féminisme ! qui m’a tout de suite ravi. Jeune militant (dans un azimut pas exactement féministe, avouons-le), j’ai collé bien des affiches, toujours ou presque ornées de points d’exclamation. Après nous, les maos ont quelque temps encore maintenu la tradition (“Servir le peuple!”), mais ensuite, le point d’exclamation a déserté un monde politique envahi de prudents bureaucrates, plus enclins à la froide litote qu’à l’exaltation.
Également, tout au long de la tribune libre, de constantes références aux « femmes victimes de viol », aux « violences machistes » – le criminologue ne pouvant bien sûr que frémir à l’évocation de ces graves exactions.
Je me suis donc précipité sur le bulletin Osez le féminisme ! dont j’ai lu toute la collection, du numéro 0 au numéro 19 et le dernier paru (juin 2012). Quel bilan en ai-je tiré ?
Côté proclamations, de l’énergie à revendre : « Violences, discriminations, oppressions, nous en avons assez. » Côté intellectuel-bac+5, rien à dire non plus : « De la construction du genre et des rapports entre les sexes », ça, c’est un sujet de conférence qui en jette. Mais côté concret, j’ai cherché en vain. Le grand vide intersidéral. Qui sont les agresseurs ? où et comment opèrent-ils ? « 75 000 femmes violées par an », oui bien sûr, mais dans la France de 2012, qui sont leurs bourreaux ? Rien dans Osez le féminisme ! – sinon (numéro 17) un article dénonçant énergiquement les « viols français au Rwanda » – qui m’a quand même laissé sur ma faim.
Alors j’ai pensé que les moteurs de recherche et les médias m’aideraient. Ayant tapé “viols de mineures”, et “fugueuses, prostitution” (116 000résultats pour cette dernière recherche), la réponse m’a sauté aux yeux.
Quel fut le sort d’une fugueuse de 14 ans, égarée en avril 2005 vers une cité coupe-gorge de Carpentras ? Séquestrée par une meute, elle fut, pendant plusieurs semaines, violée dans des caves par trente individus de 16 à 22 ans ; exhibée, filmée, ses bourreaux la prostituèrent même à des automobilistes de passage. Qui, en août 2009 encore, a fait vivre un « épouvantable calvaire » à la petite Julie (de Toulouse, 14 ans) ? Qui, en juin 2012, dans le tristement notoire quartier du Franc-Moisin, à Saint-Denis, a « violé en réunion » une « collégienne de 13 ans », « adolescente intelligente, mais fragile » ? Ses violeurs n’ayant pas « exprimé le moindre remord ».
Oui, qui happe ainsi les fugueuses ? Qui les torture ? Qui les viole et les prostitue ?
Trop souvent, les coupables de cette odieuse litanie de viols, de séquestrations, de violences sont des racailles, agissant en meutes dans les fameuses “cités sensibles” ou à proximité.
Or pas un mot sur ces crimes aussi graves que chroniques (il y en a de semblables, quasiment chaque semaine à l’échelle nationale) dans Osez le féminisme !.
Rien non plus sur les arguments – pires encore, si possible – dont usent leurs avocats pour défendre ces violeurs. Échantillon (il s’agit ici de l’affaire de Carpentras et d’une pré-adolescente) : « C’est dans la relation avec le sexe qu’elle va vers l’autre. Ce n’est pas une recherche de plaisirs ; elle s’exprime avec son cul. » Et l’incitation au viol alors ? Qui, d’abord en chansons, pousse aux “violences machistes” justement dénoncées par Magali, Anne-Cécile et Hélène ?
Sur Internet, on tombe vite sur les rappeurs de Ministère A.M.E.R et leur chanson Brigitte (femme de flic) – un exemple entre cent. Extraits : « C’est la putain d’une fille de brute. C’est-à-dire d’un flic de pute. […] Les novices du vice pissent sur la police. » Or la photo du groupe Ministère A.M.E.R n’est pas précisément celle d’un groupe folklorique berrichon.
Et c’est là où le bât blesse, chères Magali, Anne-Cécile et Hélène. Vous affirmez que « lutte antisexiste et lutte antiraciste sont étroitement liées » : cela ne vous condamne-t-il pas à passer par profits et pertes les horreurs ci-dessus évoquées ?
Et comment dissiper l’idée que, quand vous écrivez : « Ce sont surtout des stéréotypes qui doivent être combattus », vous désertez sagement le réel et vous comportez en prudentes petites bourges frimant sans risque, plutôt qu’en militantes impavides ? Car à “combattre les stéréotypes”, on risque certainement moins de se faire cogner dessus qu’en s’en prenant à des voyous en chair et en os, eux violents – et pas féministes pour un sou.
Redescendez sur terre, chères Magali, Anne-Cécile et Hélène. Ouvrez les yeux. Dénoncez bravement, en vraies militantes, les vrais violeurs ; défendez les vraies violées. Sinon, le côté factice que prendrait votre “combat” risquerait de faire rimer féministe et fumiste, ce qui serait dommage.
Source : Xavier Raufer, criminologue
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