Réputée pour sa libéralité et son exubérance, Oran célèbre en musique le 50e anniversaire de l’indépendance algérienne. Mais dans cette ville précisément, le 5 juillet 1962, près de 700 pieds-noirs furent assassinés en quelques heures. Par balle pour les plus chanceux. Au couteau, à la hache ou au rasoir pour la majorité. Un anniversaire éclaboussé de sang ?
Le symbole est explicite. L’épicentre des célébrations du 50e anniversaire de l’Indépendance algérienne, survenue le 5 juillet 1962, sera Sidi Fredj - Sidi Ferruch du temps de la France – où les troupes du général de Bourmont débarquèrent un autre 5 juillet, en 1830. Un halo de mystère entoure les préparatifs, mais cette station balnéaire située à 30 km d’Alger devrait être le théâtre de grandes manifestations dont un spectacle musical géant. Les façades décrépites ont été badigeonnées à la hâte, les massifs de fleurs replantés à la dernière minute : tout doit être prêt pour accueillir le président Abdelaziz Bouteflika et probablement plusieurs hauts représentants étrangers.
Autre ambiance à Oran. Depuis le 30 juin, malgré une canicule historique, un air de fête a envahi les rues de la ville de naissance du raï. C’est en musique que l’on célèbre l’indépendance. Cheb Mami, le « prince du raï » a ouvert ce bal qui doit durer neuf jours. Au programme, entre autres : Khaled, autre icône du raï, la star libanaise Najwa Karam, Chico & The Gypsies, des troupes de danseurs venues du monde entier - y compris de France - pour se produire au « Festival des Arts de la Rue ». Sans compter une touche d’électro avec la venue annonce de DJ Vendetta, l’une des stars tricolores des platines et des dancefloors. Le tout sous un feu d’artifice géant confié – comme tant d’autres chantiers en Algérie – à une entreprise chinoise. Dansez, il n’y a rien à voir ?
Il se trouve pourtant qu’à Oran, ces festivités jettent un voile sur une tragédie aussi atroce que méconnue. Qui sait que ce fameux 5 juillet 1962 célébré en fanfare, la ville fut le théâtre de la journée la plus sanglante de ce qui n’était déjà plus la guerre d’Algérie ? Près de 700 Pieds-Noirs furent massacrés ou enlevés en quelques heures et leurs cadavres n’ont jamais été retrouvés. Idem pour de très nombreux musulmans jamais décomptés. Les forces françaises commandées par le général Joseph Katz reçurent l’ordre de ne pas intervenir. Les dépouilles des victimes sont sans doute toujours enfouies sous des couches de béton, dans le quartier du Petit-Lac, au sud de la ville. La France ne les a jamais réclamées : il ne faut pas froisser les autorités algériennes.
Il serait vain d’imaginer que ce 50e anniversaire aurait pu être l’occasion de demander pardon aux familles de ces Pieds-Noirs assassinés, abandonnés par la République du général de Gaulle, par les autorités algériennes qui auraient dû assurer leur protection selon les accords de Genève, et même par l’OAS dont les cadres avaient quitté la ville quelques jours auparavant. Tout au plus aurait-on pu espérer davantage de sobriété : les accords de raï ou les sons électros qui inondent Oran depuis le 30 juin se conjuguent mal avec le silence auquel ont droit les massacrés du 5 juillet 1962. Il ne s’agit pas là de relancer une quelconque concurrence victimaire. Juste de faire œuvre de vérité et de justice."
Guillaume Zeller
Journaliste, il vient de publier « Oran, 5 juillet 1962 – Un massacre oublié », Tallandier.
j'ai vécu 4 années a oran 1956.1960 les années de mes 20 ans quatre années qui mon laissées de très bons souvenirs au service photo de la base de la senia et je n'ai su que beaucoup plus tard les massacres du 5 juillet j'en ai eu le cœur gros.ce sera une grosse tache noire dans mes souvenirs, mais hélas il ne faut toujours pas faire de vague.
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