Immobilier, sport, médias, industrie, art… Y a-t-il un domaine où les fonds d’investissement qataris sont absents ? Morceau par morceau, l’émirat achète l’Europe. Et s’assure ainsi un avenir confortable.
310 mètres. C’est la taille de la plus haute tour d’Europe, inaugurée à Londres la semaine dernière, à quelques jours de l’ouverture des jeux Olympiques 2012. Avec ses 95 étages de verre et d’acier, la “Shard London Bridge Tower” a coûté la bagatelle d’1,8 milliard d’euros. Financée à 80 % par quatre fonds d’investissement qataris.
Lorsque les pays européens, durement touchés par la crise, voient certains de leurs prêts gelés, et leurs taux d’intérêts grimper, vers qui se tourner pour trouver des liquidités ? Depuis quelques années, ils n’hésitent plus à faire appel à la manne financière qatarie qui investit à tout-va dans différents secteurs.
Fin juin, ce sont quatre hôtels français qu’un fonds qatari rachète à l’américain Starwood Capital : l’Hôtel du Louvre et le Concorde Lafayette à Paris. Ainsi que le Palais de la Méditerranée à Nice et le palace cannois du Martinez. Le même investisseur possède déjà le Peninsula, un hôtel de luxe près de l’Etoile à Paris, qui sera inauguré en 2013.
Outre l’immobilier, l’argent du Qatar est présent dans de nombreux groupes industriels européens. Avec 3 % du capital de Total, 5 % de Veolia Environnement ou encore 1,03 % du groupe LVMH, le Qatar a su avancer ses pions dans les entreprises du Cac 40.
Préparer l’après-pétrole
L’automobile allemande n’est pas en reste puisque l’émirat détient 17 % du capital de Volkswagen et 10 % de celui de Porsche. En 2011, c’est le maroquinier corrézien “Le Tanneur” qui passe aux mains de Qatar Luxury Group, une société appartenant à l’épouse de l’émir elle-même, pour 23 millions d’euros. La maison de couture italienne Valentino, actuellement en cours de négociation avec un fonds souverain qatari, pourrait connaître le même sort.
Si le Qatar est si prompt à investir, c’est qu’il dispose de ressources exceptionnelles. Pays membre de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), le Qatar est également le 3e producteur mondial de gaz naturel (après l’Iran et la Russie). Son patrimoine devrait atteindre, selon une source officielle, 210 milliards de dollars en 2012.
Conscient que l’abondance des ressources n’aura qu’un temps, le Qatar se prépare, en diversifiant ses placements, à affronter l’après-pétrole. Et s’assure du même coup le soutien diplomatique des pays européens dans lesquels il est présent. Mais le dessein du Qatar ne s’arrête pas là.
Pour Karim Emile Bitar, spécialiste du Moyen-Orient : “Il est clair que l’ambition n’est pas uniquement économique. Il s’agit de tirer le meilleur profit de la rente gazière, de se diversifier, de trouver de nouveaux relais de croissance, de préparer l’avenir, mais aussi de renforcer le « soft power » du Qatar, sa diplomatie d’influence“.
Du PSG à Paul Cézanne…
En investissant dans des domaines plus symboliques, tels que le sport, l’art ou les médias, le Qatar cesse d’être une simple puissance financière aux yeux du monde et déploie son rayonnement culturel. Côté média, le fonds souverain de la Qatar Investment Authority s’est ainsi hissé au rang de premier actionnaire du groupe Lagardère avec 12,83% du capital.
Après avoir racheté le club de football espagnol de Malaga, un fonds qatari a aquis, l’année dernière, le Paris Saint-Germain. La chaîne de télévision Al-Jazeera Sports a, par ailleurs, fait l’acquisition des droits télévisés du championnat de France de football, via sa nouvelle chaîne française beIN sport. Le Qatar a également obtenu d’accueillir la Coupe du Monde de football en 2022 (photo : Zinedine Zidane aurait touché 15 millions de dollars pour soutenir la candidature du Qatar)
Football, industrie, la fille de l’émir a d’autres aspirations. Férue d’art, la princesse Cheika Al-Massaya a constitué une impressionnante collection avec des tableaux de Cézanne, Rothko, ou encore Andy Warhol. En 2011, elle s’offre la cinquième et ultime version des Joueurs de cartes de Paul Cézanne, pour 190 millions d’euros. Une broutille.
Pour se donner une image philanthropique, le Qatar avait prévu d’investir 50 millions d’euros pour aider les projets de développement économique des habitants des banlieues françaises. Une annonce qui avait déclenché une vive polémique au mois de février, Marine Le Pen dénonçant notamment “un financement communautariste“.
Ce fonds dédié aux banlieues a, finalement, été réorienté à destination des PME. Il sera géré conjointement par le Qatar et les autorités françaises, annonce Le Parisien.
Dans les banlieues, quand les budgets français font défaut, c’est désormais le Qatar qui suscite l’espoir.
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